« Aider les enfants à mieux vivre le quotidien »

Détecter, prédire et empêcher une crise d’épilepsie-absence grâce à des algorithmes : en combinant les prouesses de l’intelligence artificielle et les avancées de la recherche en neurosciences, l’association Predilepsy vise à soulager le quotidien des enfants touchés par cette affection. Ruppert Schiessl nous éclaire sur ce projet très ambitieux, lancé en 2020 avec le fonds BAA et porté par une dynamique étroite entre institutions publiques et acteurs privés.

Entretien avec Ruppert Schiessl, fondateur de Predilepsy, CEO de Verteego.

À quels résultats ont abouti vos recherches sur les crises d’absence, une forme d’épilepsie frappant surtout les enfants ? 

L’épilepsie-absence que nous étudions est une des formes les plus fréquentes de cette pathologie. Elle se manifeste par des absences de quelques secondes qui, bien que peu visibles, sont très handicapantes pour les enfants qui en sont atteints. Pour parvenir à détecter et anticiper la survenue d’un épisode, il nous fallait d’abord en comprendre le mécanisme déclencheur. À cette fin, nous sommes parvenus à modéliser une crise dans un cerveau virtuel, en mobilisant les compétences de l’INCR et notre savoir-faire en prévisions algorithmiques. Cette expérimentation in vitro, présentée au Forum européen des neurosciences (FENS), est une première mondiale car elle a mis en évidence le caractère localisé de ce type d’épilepsie, qu’on pensait jusque-là étendue à toutes les zones du cerveau. 

Dans quelle direction allez-vous poursuivre vos travaux ? 

L’enjeu est désormais de mettre au point un équipement capable de soulager les malades, car nos travaux préliminaires ont permis de conclure à la possibilité de stimuler le cerveau pour empêcher une crise d’avoir lieu. L’idée est de détecter les signes précurseurs, quelques dixièmes de seconde avant, pour déclencher une stimulation au bon moment. Si nous savons à quel endroit du cerveau capter la donnée, il nous reste à identifier quel type de signal envoyer – s’agit-il d’un stimulus visuel, sonore, auditif ou cutané ? – et à construire le prototype d’équipement adéquat, qui sera capable à la fois de capter les ondes cérébrales et d’envoyer une stimulation. Lunettes, oreillette ou autre support, nous étudions différentes pistes pour offrir aux enfants un dispositif discret et confortable, qui les aidera à vivre un quotidien plus normal. 

Predilepsy fédère de nombreux partenaires comme l’INCR, des hôpitaux et des contributeurs bénévoles. Que vous apporte cette synergie entre public et privé ? 

Notre premier partenaire demeure l’INCR, dont l’expertise renommée en neurosciences nous est indispensable pour analyser les mécanismes de l’épilepsie et dégager des pistes de recherche. Le concours du CHU de Nantes et de l’hôpital Necker à Paris nous a également été crucial : sans les données des EEG qu’il nous a été permis d’exploiter, il aurait été compliqué de mener à bien la phase 1 de notre projet. Les neurologues du secteur public nous apportent aussi leur connaissance clinique de l’épilepsie et du quotidien des malades. Enfin, nous pouvons compter sur le savoir-faire de notre communauté de data scientists, bénévoles de tous horizons. Le rôle de Predilepsy est d’assurer la coordination des acteurs et la continuité du financement. C’est ainsi que, grâce au soutien du fonds BAA, nous avons pu faire embaucher un post-doctorant à l’INCR.

Article diffusé dans la Lettre BAA de Septembre 2022.