« Aujourd’hui, nous observons les circuits neuronaux comme nous ne les avons jamais vus »

Avec une acuité bien plus élevée que l’IRM ou la tomographie par émission de positons, l’électro-encéphalogramme haute résolution (EEG-HR) promet de révolutionner l’étude des réseaux cérébraux. Comme l’explique le Pr. Marc Vérin au sujet de la maladie de Parkinson, cette technologie est déjà d’un apport fondamental pour prédire l’évolution de la pathologie, améliorer la prise en charge thérapeutique et développer de futurs traitements.

Entretien avec le Pr. Marc Vérin, neurologue et cofondateur de l’INCR (CHU de Rennes).

En quoi l’EEG-HR est-t-elle une évolution importante pour l’étude des réseaux neuronaux ? 

C’est une technologie d’imagerie médicale qui permet de recueillir une quantité phénoménale d’informations en provenance de 256 électrodes, contre 24 pour l’EEG classique. Compte tenu de la qualité d’analyse spatiale et temporelle des circuits neuronaux et du développement des analyses mathématiques, cet outil propose d’étudier la connectivité fonctionnelle générale du cerveau à la milliseconde près. Autrement dit, nous disposons de lunettes extrêmement puissantes pour étudier comment les structures cérébrales dialoguent, quasiment en temps réel. L’EEG-HR s’applique à toutes les pathologies de la connectivité du cerveau comme l’épilepsie, Alzheimer et la maladie de Parkinson. Les potentiels sont aussi très importants dans l’étude des addictions et du fonctionnement normal du cerveau, comme les mécanismes de la créativité.

Comment l’EEG-HR se révèle d’ores et déjà utile pour la prise en charge des patients atteints de Parkinson ? 

L’EEG-HR permet de détecter ce qu’un examen clinique ne voit pas : c’est une avancée précieuse dans le contexte de la maladie de Parkinson, une pathologie qui peut soit s’en tenir à une atteinte des réseaux neuronaux de diffusion de la dopamine, soit évoluer vers une atteinte corticale extensive, dans le cas d’une forme dite « diffuse ». Or la neuro-plasticité du cerveau, c’est-à-dire sa capacité à se reformater en compensant la perte de neurones, nous empêche de détecter précocement ces formes plus graves de la maladie. Si bien qu’un patient atteint d’une forme diffuse peut se révéler sain à l’issue de tests cognitifs. Avec l’EEG-HR, nous sommes en mesure de détecter ce « reformatage » et d’estimer si la maladie va évoluer défavorablement ou non. Cet outil prédictif apporte déjà une solution concrète lorsqu’il s’agit d’identifier les patients susceptibles de recevoir un traitement par stimulation cérébrale profonde. En résumé, l’EEG-HR va nous permettre de sélectionner les patients avec une plus grande rigueur et d’opérer des choix thérapeutiques en se projetant mieux dans l’avenir.

De quelle manière peut-on favoriser le développement de nouveaux traitements contre la maladie de Parkinson ? 

Nous savons que la maladie de Parkinson est causée par des dépôts toxiques dans les neurones d’une protéine, l’α-synucléine, dont nous cherchons à empêcher l’action grâce à des traitements neuro-protecteurs. C’est une voie d’avenir dont le succès dépend notamment de la constitution de groupes de patients homogènes, à un stade peu évolué de la maladie, seule manière de prouver l’efficacité d’un médicament. L’EEG-HR nous permettra non seulement de « stratifier » les patients avec une grande précision, mais aussi d’évaluer rapidement la pertinence d’un traitement. Car les maladies neurodégénératives évoluant lentement, il faut des années d’études cliniques pour valider un essai thérapeutique. En recourant à l’EEG-HR, il devient possible de mettre des résultats en évidence au bout de quelques mois seulement.

Article diffusé dans la Lettre BAA de septembre 2022.